Contre la dématérialisation des manuels scolaires : pour un droit effectif au manuel papier et un numérique choisi, non subi

La Région Île-de-France accélère la bascule vers des manuels dits « collaboratifs » hébergés sur une plateforme unique tout en réduisant les dotations pour l’achat de manuels. Dans de nombreux lycées, le réassort en manuels papier est insuffisant ou reporté sur les budgets des établissements, y compris lorsque les effectifs augmentent ou que les programmes évoluent. La promesse d’un choix laissé aux équipes se heurte à des contraintes financières et logistiques qui fragilisent la continuité pédagogique.

L’expérience des lycées passés au « tout numérique » montre des limites persistantes : une partie significative des licences n’est pas réellement utilisée ; l’ergonomie et l’interopérabilité des outils sont inégales ; l’accès dépend d’équipements et de connexions fiables ; l’excès de temps d’écran nuit à l’attention et à la lecture approfondie. Le numérique utile existe, mais il ne remplace pas la fonction structurante d’un manuel papier, immédiatement disponible et transmissible.

La centralisation sur une plateforme unique soulève des enjeux de gouvernance, de neutralité des contenus et de protection des données. La dépendance à un prestataire, l’absence de garanties de réversibilité et la difficulté à revenir au papier sans attendre un nouveau cycle de programmes limitent la liberté pédagogique des équipes et créent des risques de verrouillage.

Enfin, les ajustements budgétaires « à la consommation » déplacent la charge financière vers les établissements et accentuent les inégalités. Aucune évaluation indépendante et transparente n’a, à ce stade, étudié et analysé les effets pédagogiques, sociaux, sanitaires et environnementaux de cette stratégie. Les Écologistes franciliens·nes alertent : un manuel scolaire ne peut être remplacé par un agrégateur de liens. Nous demandons des garanties immédiates pour préserver l’égalité d’accès aux savoirs, la liberté pédagogique et la santé des élèves face à la prédominance des écrans.

Les Écologistes franciliens·nes demandent:

  1. l’instauration d’un moratoire sur toute généralisation du « tout numérique » et la mise en place d’une évaluation indépendante portant sur les impacts pédagogiques, sociaux, sanitaires (exposition aux écrans) et environnementaux, avec des indicateurs publiés annuellement.
  2. La garantie écrite d’un droit au manuel papier pour chaque discipline socle (français, mathématiques, histoire-géographie, langues vivantes, sciences, etc.), assortie d’une dotation régionale couvrant à 100 % les réassorts liés aux hausses d’effectifs et aux changements de programmes. Cette garantie doit être opposable aux établissements.
  3. La possibilité effective de retour au papier pour les lycées qui le souhaitent, sans attendre un nouveau cycle de programmes, avec un calendrier de mise en œuvre clair et un accompagnement financier dédié.
  4. La création d’une charte de liberté pédagogique et de pluralisme des contenus, adossée à une gouvernance partenariale : comité de pilotage incluant enseignants, élèves, parents, syndicats, chercheurs et éditeurs ; transparence des critères éditoriaux ; procédure contradictoire en cas de retrait ou de modification de contenus.
  5. Une réflexion autour d’une stratégie de sobriété numérique : priorité au modèle mixte (manuel papier + ressources numériques complémentaires), accès hors ligne systématique, interopérabilité des outils, recours privilégié aux standards ouverts et aux logiciels libres, formation des équipes et accompagnement des usages, ainsi que des mesures concrètes de réduction de l’exposition aux écrans en classe.
  6. Une transparence budgétaire complète : publication annuelle des dotations et de leur consommation, du coût total de possession (licences, maintenance, équipements, support), d’un plan pluriannuel de réassort papier, et d’indicateurs d’usage réels permettant d’ajuster les choix sur des preuves.
  7. Des clauses fermes de réversibilité et de portabilité des contenus, des garanties de protection des données et des audits de sécurité indépendants, afin d’éviter toute dépendance technologique durable et de sécuriser le service public de l’éducation.

Les Écologistes défendent une politique du manuel qui conjugue l’exigence pédagogique et l’égalité des chances : un socle papier garanti pour tous, des ressources numériques réellement utiles, sobres et interopérables, et une gouvernance transparente au service de la liberté pédagogique. Nous, écologistes, serons toujours opposés à tout ce qui pourrait renforcer les inégalités dans l’éducation à travers le numérique.

Le Bureau Exécutif Régional (BER) – Les Écologistes Île-de-France